Rappelez-vous, il n'y a pas si longtemps, au temps du lycée ou du collège pour les plus jeune d'entre nous, était une époque où on se faisait "endormir" des trucs.
Ou on "endormait", sans faire exprès, parce que c'est le principe d'endormir.
"Ho, il m'a encore endormi mon briquet !" dit le fumeur invétéré, condamné à brandir une loupe au soleil ou à endormir le briquet à quelqu'un d'autre. "Le salaud, il m'a endormi mon stylo ! ", complainte déchirante les jours de partiels.
Sauf qu'endormir, c'est sooooooooo 2000. Totalement has been, dépassé, démodé. C'est ringard et n'a encore atteint le charme suranné du vieillot (comme "bath").
Or, j'aime endormir. On endort les objets comme on endort leur méfiance, comme si la seule et unique volonté dudit objet, son indéfectible loyauté, l'attachait à son propriétaire. Quelle jolie image que le fourbe dépourvu, renversant un flacon de chloroforme sur un tampon, et se jetant sur l'innocent briquet, le pauvre médio, le faisant sombrer dans l'inconscience ! Quel charmant désarroi que l'objet qui s'éveille sous une autre allégeance, et quelle patience, quelle diplomatie doit développer son voleur pour conquérir sa fidélité ! Où sont nos tragédies de poches ? Nos drames de canapés ?
Je vote "pour" le verbe "endormir" dans son sens argotique : "chourer sans faire gaffe, ou en faisant semblant de pas avoir fait gaffe."